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Champollion, le surdoué qui lisait les pierres et déchiffra les hiéroglyphes

Champollion, le surdoué qui lisait les pierres et déchiffra les hiéroglyphes

Il y a 200 ans, le 27 septembre 1822 ,Jean-François Champollion déchiffrait les hiéroglyphes et devenait ainsi le « père » de l'égyptologie. Portrait de l'érudit qui donna sa vie pour réaliser son rêve.

Par Florence Dartois - Publié le 03.06.2022 - Mis à jour le 27.09.2022
La passion de Champollion - 1973 - 02:02 - vidéo
 

À l’occasion du bicentenaire du déchiffrement des hiéroglyphes des hiéroglyphes, et pour célébrer son 10e anniversaire, le Louvre-Lens organise à partir du 28 septembre (jusqu'au 16 janvier 2023) une exposition dédiée à l’un des symboles les plus fascinants de la civilisation égyptienne : les hiéroglyphes. C’est grâce au travail acharné de Jean-François Champollion (1790-1832) qu'a été déchiffré ce système d’écriture apparu vers 3200 avant J.-C. Historien et philologue érudit, il fut le premier à déchiffrer les hiéroglyphes, l'écriture égyptienne, donnant ainsi naissance à une nouvelle science, l'égyptologie.

Jean-François Champollion est entré dans l'histoire le 27 septembre 1822. À 32 ans, il dévoilait au grand jour, devant l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, ses découvertes sur la traduction des hiéroglyphes. Après des années d’acharnement, il avait enfin élucidé l'écriture des pharaons restée mystérieuse durant des millénaires. Cette découverte était le fruit d'un travail méticuleux qu'il avait entamé dès son enfance grâce à la découverte en Egypte d'une pièce exceptionnelle : la célèbre pierre de Rosette.

Jean-François Champollion est né à Figeac, dans Lot, en 1790. Dès son plus jeune âge, il fait preuve d’une passion dévorante et d'une dextérité extraordinaire pour les langues anciennes. Mais sa véritable passion, c’est l’Egypte des pharaons. Une passion alimentée par l'expédition en Égypte de Bonaparte, entre 1798 et 1799.

Le défi d'une vie

L’archive en tête d’article nous relate cette fascination précoce. Il s'agit d'un extrait d'une émission de 1973 intitulée « Champollion ou l'homme qui lisait les pierres ». Dans le passage proposé, il est justement question de son extraordinaire précocité. Ce passage raconte comment l'intérêt de l'écolier pour l'Egypte s'est encore accru avec la découverte par des soldats français, à Rosette, dans le delta du Nil, en 1798, d’une pierre noire gravée de trois textes : l'un en grec ancien, un autre en démotique, une écriture égyptienne tardive, et le troisième en hiéroglyphes.

La pierre de Rosette est un fragment de stèle en granit datant du Iᵉʳ siècle avant Jésus-Christ. Embarquée sur un navire pour la France, elle allait être interceptée par les Anglais et transportée à Londres, au British Museum, où elle est toujours visible.

C'est grâce à l'un de ses cousins revenu d'Egypte que l'adolescent va se plonger dans l'étude de la pierre de Rosette. Ce cousin lui confie en effet un relevé du texte gravé sur la roche et Jean-François Champollion se lance un défi : traduire le texte et percer ainsi le mystère des hiéroglyphes. Il y consacrera sa vie : « Je veux faire de cette antique nation une étude approfondie et continuelle , aurait-il déclaré.

Mais en cette fin de XVIIIe siècle, le jeune Français n'était pas le seul à s'intéresser à l'énigmatique texte antique. Le commentaire précise qu’à l’époque, « les linguistes, historiens et archéologues avaient bien compris l'importance de la découverte de cette édition bilingue d'un décret de Ptolémée V qui pouvait fournir l'occasion de faire correspondre aux hiéroglyphes les mots grecs. Les érudits se mettent au travail. Le jeune Champollion aussi ».

L'âme envahie

Voulant mettre toutes les chances de son côté, Champollion, qui maîtrise déjà le grec et le latin, se lance dans l'étude d’autres langues anciennes : « de l'hébreu, il apprend les dialectes. Il ajoute sans tarder l'arabe et le syriaque à son savoir. »

Le destin va aussi mettre sur son chemin Joseph Fourier, professeur à l'École polytechnique, qui avait été recruté pour faire partie de l'expédition napoléonienne en Egypte. Devenu entre-temps préfet de l'Isère, il accepte d'ouvrir « les portes de sa collection d'art égyptien à ce gamin savant ». Car le lycéen est un surdoué. Il suscite l'admiration de ses pairs et acquiert une certaine notoriété locale, « à 16 ans, la science de Champollion est telle que les académiciens de Grenoble admettent parmi eux ce lycéen ».

Mais le jeune homme ne veut pas en rester là. Il quitte la région grenobloise pour rejoindre la capitale. A l'Institut des langues orientales de Paris, il apprendra le copte et l'Ethiopien, « car il sait, lui, Champollion, que la trouvaille ne viendra pas d'un quelconque décrypteur de codes secrets, mais d'un authentique philologue ».

A force d’études et de volonté, il lui faut quelques années à peine pour devenir philologue et professeur d'histoire. Il enseignera même à la faculté des lettres de Grenoble à des élèves parfois plus âgés que lui, apprend-on dans ce récit, mais « chaque nuit, les hiéroglyphes envahissent l'âme de cet Egyptien de l'Isère », ajoute le commentaire.

Sa méthode de déchiffrage

L'archive ci-dessous, extraite de la même émission de 1973, dévoile comment le jeune savant vint à bout des mystérieuses glyphes égyptiennes. Ce passage passionnant souligne le climat d'émulation qui régnait alors dans la sphère scientifique. En 1814, un Anglais de quinze ans son aîné, Thomas Young (1773-1829), avait déchiffré la version démotique de la stèle et découvert que les cartouches en hiéroglyphes contenaient les noms de divers pharaons, dont celui de Ptolémée.

Le jeune Français souhaite aller plus loin encore. Il déchiffre d’autres cartouches royaux, ceux de Cléopâtre et d’Alexandre, ou de Ramsès, ce qui va lui permettre d’établir un certain nombre de correspondances exposées. Désormais, disposant d’un début d’alphabet, Champollion peut « appliquer sa trouvaille à toutes sortes de noms propres dont on sait qu’ils sont grecs ou romains ». Il ne lui reste plus alors qu’à interpréter les symboles laissés vides par son alphabet incomplet. Sa méthode va se révéler valable pour les noms de pharaons égyptiens, mais pas seulement : son « coup de génie fut d’imaginer que cette écriture si symbolique pouvait être à la fois idéographique et phonétique. Personne avant lui n’avait envisagé cette hypothèse.»

Les travaux de Champollion
1973 - 01:32 - vidéo

Le 14 septembre 1822, Champollion parvient à déchiffrer le texte de la pierre de Rosette, et par conséquent l'écriture égyptienne. Submergé par l’émotion, il perd connaissance et reste dans le coma plusieurs jours. Ce n’est qu’une fois remis de sa crise qu’il fait part de sa découverte à l'Académie des Inscriptions et des Belles Lettres à Paris, le 27 septembre. Mais c'est un homme épuisé qui présente sa découverte aux savants de son siècle. Il n'a que 32 ans et il ne lui reste que dix ans à vivre.

De l'enfant surdoué au chercheur épuisé

Le chercheur hors pair s'est consumé dans sa quête du Graal. La dernière archive à découvrir ci-dessous retrace le portrait du scientifique, notamment à travers les témoignages de Richard Parkinson, le conservateur du British Museum de Londres et de sa descendante Marie-Aimée Chateauminois. L'occasion de pénétrer dans le bureau du fascinant intellectuel qui a été conservé à l'identique et de découvrir son impact sur la recherche en égyptologie.

Plume d'encre : l'énigme
2008 - 05:49 - vidéo

Dans ce reportage Marie-Aimée Chateauminois nous permet d'entrer dans l'intimité de cet enfant précoce. Elle évoque ses dons exceptionnels : « Tout enfant, il avait déjà cette faculté de déchiffrer. Et ça, c'est vraiment intéressant. Il a appris à lire dans le livre de prières de sa mère. Les prières, il les savait par cœur, donc il essayait de retrouver les lettres d'après les sons qu'il avait emmagasinés. C'était déjà un prélude au déchiffrement, à mon avis ». Elle confirmera aussi l’importance du copte dans sa compréhension du langage égyptien : « il avait pensé que le copte contenait encore des consonances de l'Égypte ancienne. »

Champollion pourrait être qualifié aujourd'hui de surdoué, ce que confirme l’historien Alain Faure dans ce reportage : « On retrouve dans sa personnalité tous les traits que l'on reconnaît habituellement aux surdoués. Il ne supportait pas l'autorité, il avait tout jeune des jeux d'adultes, des comportements d'adultes. Il avait un goût très, très fort pour le style écrit. Il avait une franchise désarmante. Il était décalé pratiquement partout où il allait. »

En déchiffrant les hiéroglyphes, Champollion a bel et bien ouvert la voie à une nouvelle science, celle de l’égyptologie. Une contribution unanimement saluée, à l'instar de la déclaration faite dans ce reportage par Zahi Hawas, le président du Conseil Suprême des Antiquités d’Egypte : « J'ai consacré 30 ans de ma vie à l'archéologie. J'ai toujours considéré Champollion comme un modèle, le plus savant d'entre tous (...) Je lui dois tout. Il nous a ouvert la porte du langage de l'ancienne Égypte ».

Ce n'est qu'en 1828 que Jean-François Champollion allait enfin réaliser son rêve, partir en Égypte. Sur place pour compléter ses travaux, il épuisera ses dernières forces. L'égyptologue est mort de surmenage à 42 ans, « laissant à jamais son empreinte dans l'histoire ».

Pour aller plus loin

Champollion et la pierre de Rosette. (12 août 1969)

Des yeux pour voir : Jean Yoyotte : « Champollion est un homme de notre époque ». Se baladant sur la place de la Concorde à Paris, l'égyptologue Jean Yoyotte (égyptologue français, titulaire de la chaire d'égyptologie du Collège de France) évoque la personnalité de Jean-François Champollion, plus romantique que savant austère, « Un homme de notre époque ». (8 février 1973)

12-13 Edition Alpes : Jean François Champollion, l'égyptologue. (24 octobre 2018)

Pour les créateurs de contenus

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